L'ENT des collèges de la Loire

Archives année 2015/2016

Visite de Mgr Paul Desfarges

Par Administrateur joseph-collard, publié le jeudi 1 septembre 2016 16:56 - Mis à jour le jeudi 1 septembre 2016 16:56

 

 

Interview de Monseigneur Paul Desfarges – Evêque de Constantine
Jeudi 2 juin 2016 par des élèves de 3ème.

 

 

Quelle est votre place au sein de l’Algérie ?

Je vis en Algérie depuis 45 ans, j’ai la nationalité algérienne. J’ai été nommé évêque de Constantine et Hippone ( Annaba) de ce fait je suis responsable de la communauté chrétienne à Constantine qui compte de 4 à 500 catholiques

C’est une église pour tous qui prône la Fraternité. Et si vous vous faites des amis, c’est gagné . Les barrières tombent grâce à l’amitié.

 

Avez-vous rencontré le Pape ?

Oui plusieurs fois, à Rome, notamment lors de conférences épiscopales. Ce que je retiens du Pape François et qui me paraît important c'est quand il dit qu’il faut abattre les murs.

 

Pourquoi avoir choisi l’ordre des Jésuites ?

Dès l’âge de 10 ans j’ai su que je voulais être prêtre. ''Ça s’est dit en moi. Pour cela il faut être attentif aux appels. Écoutez bien au fond de votre cœur. ''

C'était évident pour moi et je suis donc allé à l'école cléricale de St Étienne puis dés la 3éme au petit séminaire à Montbrison et enfin au grand séminaire à Lyon. Mon envie de partir a été entendu par mes supérieurs qui m'ont envoyé en mission pendant deux années à Gardaia – Algérie.

Ma volonté d’entrer dans un ordre présent à travers le monde, centré sur le Christ universel qui donne la priorité à la mission et mon goût pour les études m'a naturellement poussé à m'engager dans la congrégation des Jésuites.

 

Que pensez vous du mariage des prêtres ?

 

Le célibat est un choix, mais ça a du sens : le prêtre est un homme pour tous. Durant les violences en Algérie, cela m’a permis de rester sur place sans avoir à me soucier de ma famille. Le célibat est le don de soi. En Algérie ceux qui comprennent disent que c’est pour Dieu.

 

Et la jeunesse en Algérie, quelles différences voyez-vous ?

C’est difficile de répondre car je ne connais pas les jeunes en France mais je pense que ce sont les mêmes, ils sont de la même pâte humaine.

En Algérie j’ai beaucoup côtoyé la jeunesse de part mon métier d’enseignant en psychologie à l’université et dans la cellule d’écoute pour jeunes que j'avais créé au sein de l'universtité. Le cœur de chacun et chacune aspire a quelque chose de Beau. On vit dans un monde difficile. Mais ce qui est essentiel pour les jeunes c'est de répondre à la question de : qu’est ce que je veux faire de ma vie ? Pas seulement pour gagner de l’argent mais pour être heureux et pour donner du bonheur.

 

Les jeunes algériens s’intéressent-ils au monde ?

Oui par le biais d’internet et des téléphones, c’est un bel espace de liberté. Ils peuvent faire leurs propres décryptages sur le monde. Ils peuvent nuancer les informations données par la famille.

 

Que pensent-ils de la France ?

Beaucoup voudraient venir en France. Mais c'est encore compliqué car il reste encore la mémoire du peuple, la colonisation et les 7 années de guerre qui ont durablement marquées les mémoires. La jeune génération musulmane se demande comment faire pour avoir un Islam vivant et accepté aussi en Occident. Ce qui est important pour être accepté en France ou en Algérie c'est avant tout de créer du lien, un lien humain, convivial. Seulement lorsqu'on est en confiance on peut alors échanger sur nos pratiques religieuses respectives. Il ne faut pas s'imposer, pas faire de prosélytisme. Comme disait Petite Sœur Madeleine, il faut savoir rester petit, pour permettre à l'autre de trouver sa place.

Pour les jeunes algériens, la France est synonyme de chrétiens mais petit à petit ils se rendent compte que ce n’est pas que cela. En France il y a aussi des gens qui se sont éloignés de leur pratique religieuse. C'est impensable pour eux. On ne peut pas vivre sans Dieu. Ils apprennent la langue française à l’école mais cet enseignement est en perte de vitesse, fortement concurrencé par l’anglais.

 

Quelle est votre action en Algérie :

Je suis évêque et en tant qu’évêque je fais en sorte que l’évangile soit vivant et en tant que chrétien, j’essaie d’être le frère de tous. J’aide les jeunes comme un père.

 

Pourquoi avoir choisi l’Algérie ?

Quand je suis rentré d'Algérie lors de ma première mission, je voulais repartir peu importe où. L'Inde m'attirait beaucoup et encore aujourd'hui mais mes supérieurs ont senti mon attachement à l'Algérie. J'en parlé avec passion. C'est donc tout naturellement qu'ils m'ont proposé de repartir là-bas. Quand je l'ai retrouvé, j’ai senti au fond de moi que j’y resterai. Au bout de quelques années, j' aimais profondément les Algériens. Aujourd'hui

«Je souffre quand l’Algérie souffre, je suis heureux quand l’Algérie est heureuse. »

Il faut que l’église soit vraie même si elle est minoritaire.

 

Comment cela se passe-t-il avec la population musulmane ?

La question à se poser est : comment rester proche ? Il ne faut pas faire d’amalgame entre musulman et terroriste. Les premiers à souffrir sont les musulmans eux-mêmes.

« Seigneur désarme moi, désarme nous, désarme les »  Prière des Moines de Tibirhine

C’est le combat de l’Église dans un pays musulman. Il faut rester sans laisser la haine entrer dans son cœur. On n’est pas fait pour haïr que ce soit dans la famille ou dans le monde. On est fait pour aimer, aimer profondément.

 

Subissez-vous des discriminations ?

 

Moi personnellement non mais c'est plus compliqué pour les étudiants subsahariens qui ont la peau noire et qui subissent des discriminations. Ils doivent être patients, exemplaires et petit à petit quand les Algériens se rendent compte qu'ils sont bons, vrais, qu'ils ont envie de partager alors ils se font accepter. Et quand ils réussissent à se faire des amis c'est gagné.

C'est aussi difficile pour les nouveaux chrétiens, des musulmans qui se convertissent. Quand ils osent en parler à leur famille, il faut du temps pour que la famille recrée du lien. Quand elle s'aperçoit que le converti est toujours là, qu'il ne l'a pas fait pour fuir, qu'il est plus heureux même plus généreux, gentil alors petit à petit la famille se ressoude. Mon rôle à ce moment là est important. Il faut soutenir les jeunes chrétiens mais aussi leur famille ainsi que ces étudiants étrangers. Il est nécessaire de les entourer, créer du lien pour qu'ils se sentent soutenus.